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17 février 2020

Centre de formation « RUTH » de l’Association des Servantes de Christ, un modèle religieux d’entreprenariaship féminin au Bénin

par: 

Dr. ELIJAN Y. Bélou Abiguël ; Chercheure au Laboratoire d’Anthropologie Appliquée et d’Education au Développement Durable de l’Université d’Abomey-Calavi ; BP 139 Abomey-Calavi ; Tél. : +229 94 69 82 06 ; mail : abiguelelijan@gmail.com

Résumé

L’Association des Servantes de Christ de l’Église des Assemblées de Dieu du Bénin reconnaît le rôle important des femmes dans l’économie familiale et nationale à travers ses initiatives novatrices. Elle a créé le «Centre Ruth» qui accueille des filles vulnérables de 13 à 22 ans et les formant à l’entreprenariat et en luttant contre le mariage et les grossesses précoces. La collecte de données sur l’histoire de vie auprès de 20 interlocuteurs bénéficiaires directs et indirects et 10 personnes ressources vise à comprendre la dynamique de développement du leadership féminin et de changement sociale dans lequel s’inscrit le centre en soutenant le leadership féminin, indicateur majeur d’une bonne mesure de la transformation des rôles par l’apprentissage au changement et la complexification de l’organisation de l’Église, confrontée à un environnement qui contraste avec ses dogmes. Les résultats de la recherche montrent que le «Centre Ruth» promeut l’égalité des sexes, l’inclusion sociale et représente un modèle de transition durable du statut de la femme chrétienne où l’entreprenariat est un levier indispensable à l’atteinte les cibles de l’ODD 5 sur la réduction de la pauvreté, l’éducation et la participation à la vie politique et économique à l’horizon 2030.

Mots-clés : religion, ASC-Bénin, Centre Ruth, Parakou.

Abstract

The Association of the Maidservants of Christ members of the Assemblies of God’s Church in Benin recognizes the important place of the women in the family and national economy through its innovative initiatives. It created the “Centre Ruth” which accommodates vulnerable’s girls from 13 to 22 years old and the formant with the entreprenariat. By this way ; Association is working and fighting against the child marriage and early pregnancies. The data collection on the history of life near 20 final recipient interlocutors and indirect and 10 people resources aims at understanding the dynamics of development of the female leadership and change social in which the center fits by supporting the female, indicating leadership major of a good measure of the transformation of the roles by the training with the change and the complexification of the organization of the Church, confronted with an environment which contrasts with its dogmas. The search results show that the “Center Ruth” promotes the equality of the sexes, inclusion socialeet represents a durable model of transition from the statute of the Christian woman where the entreprenariat is a indispensable level with the attack targets of the 5th ODD : on the reduction of poverty, education et the participation in the political life and economic the horizon 2030.

Key-words : religion ; ASC-Benin ;  Centre-Ruth ;   Parakou

 

Introduction                                      

L’évolution du statut des femmes dans l’histoire de l’église est très contrastée selon les époques et est très fortement liée à l’évolution économique et sociale (de Beauvoir, 1949). Les crises économiques ont conduit l’église à faiblir l’ardeur de la quête du royaume de Dieu vers une forte propension professionnelle devenue indispensable à la survie des populations : l’évangile devait vivre de foi mais aussi de pain.  La racine religieuse dépérissait, cédant la place à la sécularisation utilitaire (Ellul, 1964 ; p 46). Les femmes ont souvent occupé des rôles importants dans l’église mais elles sont souvent astreintes aux tâches sociales. Les responsabilités dans les d’aumôneries, l’assistance aux personnes vulnérables ; bref, des rôles de second plan. Bien que dès le début du christianisme les femmes soient très présentes autour du Christ, elles ont eu, dans la construction des premières communautés chrétiennes, un rôle éminent bien que différent de celui des apôtres de Jésus. « Contrairement à certaines religions où la femme ne se montre pas en public devant les hommes, l’Église médiévale n’a pas opprimé les femmes ni enseigné qu’elles étaient inférieures aux hommes » (David-Chapy, 2009).

Bien que les femmes ne soient pas souvent au premier rang, la dignité des femmes et leur égalité avec les hommes n’a jamais été remise en cause par l’église qui l’a d’ailleurs tout le temps enseigné. C’est d’ailleurs une attitude révolutionnaire des églises modernes dès le 17ème siècle. Cette égalité prêchée, n’est pas signe de pouvoir de décisions ni d’autonomie de la femme au même titre que les hommes. Il est seulement ancré dans la foi et l’espérance du salut. Les femmes n’ont que des avis consultatifs mais non délibératives dans les assemblées chrétiennes. « Entre le modèle défendu par l’institution, les représentations et les conceptions des sociétés occidentales et la réalité des pratiques, existent des tensions et une négociation quotidienne génératrice d’évolutions » (Ellul, op. cit.).

Les églises protestantes semblent donner plus de liberté à la femme. Même si cette liberté s’exerce uniquement dans l’espace féminin ; elle a pris des proportions qui dépassent de simples compromis : un véritable leadership féminin est installée au sein des Églises des Assemblées de Dieu au Benin. A travers la naissance en 1963 de l’Association des Servantes de christ le leadership féminin est devenu un indicateur majeur de mesure de la transformation des rôles des femmes. Par l’apprentissage au changement et la complexification de son organisation, l’Église qui se trouve de plus en plus confrontée à un environnement qui contraste avec ses dogmes. Les mariages précoces, la reconnaissance de la volonté individuelle et dans le choix du conjoint font partie des transformations qui ont engagées l’église dans la lutte contre la vulnérabilité et la misère et l’autonomisation de la femme.  L’exemple de l’Eglise des Assemblées de Dieu au Bénin en est une illustration par la création d’un centre de promotion de la femme et de prise en charge des filles en situation difficile. Le dynamisme de ce centre est l’objet de la présente recherche.

  1.       Matériels et méthodes de recherche

I.1.     Problématique de recherche

« Le plan cadre des Nations Unies pour l’assistance au Bénin (UNDAF, 2009-2013) s’est fixé comme effet 2 « l’accès équitable aux services sociaux de base ». Les effets programmes correspondants au point vise « les populations les plus vulnérables notamment les enfants, les adolescents (es) et les femmes bénéficient d’une prévention accrue contre les violences, les abus et exploitations et d’une protection sociale » (UNDAF, 2013). L’Association des Servantes de Christ (ASC) en créant le Centre Ruth veut promouvoir l’égalité des sexes, l’inclusion sociale comme un modèle de transition durable du statut de la femme chrétienne par l’entreprenariat. Cet objectif qui s’inscrit dans le cadre de l’atteinte les cibles du 5ème Objectif du Développement Durable sur la réduction de la pauvreté, des inégalités l’accès à l’éducation et la participation à la vie politique et économique à l’horizon 2030. Quelles sont les stratégies mises en œuvre par l’ASC, pour impulser ce dynamisme à l’ensemble de l’Église des Assemblées de Dieu au Benin ? cette recherche vise à appréhender les stratégies de promotion de l’entreprenariat féminin par l’Association des Servantes Christ et son impact sur la place de la femme dans l’église et la société, à travers :

‒        la description des mécanismes de recrutement des filles et le processus de leur autonomisation ;

‒        l’identification des différents acteurs de la promotion de l’entreprenariat féminin au sein de l’ASC et

‒        l’identification les facteurs de changements favorables au leadership féminin au sein de l’Église.

I.2.      Groupe cible et échantillonnage

Le groupe cible est l’ensemble des acteurs qui interagissent dans le dispositif de prise en charge des victimes et filles vulnérables de nature qualitative, c’est par le biais des techniques de recherche documentaire, d’observation et d’entretien avec 20 interlocuteurs et 10 personnes ressources que les données ont été collectées, en faisant usage des techniques d’échantillonnage à choix raisonné et d’enquête par réseaux dans neuf (9) associations de base de l’ASC et au Centre Ruth à Tourou dans la commune de Parakou.  L’enquête s’est déroulée dans le département du Littoral, Cotonou et dans la Commune de Parakou au Centre Ruth de Tourou. Les catégories (bénéficiaires. Partenaires, responsables locales de l’ASC) et le nombre de personnes à interroger par association de base ont été tiré au sort avec remise sur les 20 interlocuteurs retenus.

La recherche essentiellement qualitative s’est inspirée du modèle d’analyse des faits sociaux de l’individualisme méthodologique de Raymond Boudon. Cette démarche s’inscrit dans la sociologie compréhensive de Weber (2003 ; 1989),). En effet, cette approche privilégie l’analyse des faits sociaux par l’analyse des représentations, motivations et conditions reconstituées sous la forme « d’idéal-type », pour comprendre et expliquer les faits et les évolutions du social. L’individu à travers ses choix et ses décisions isolement construit participent à la dynamisation de la totalité. Ce sont les choix et les décisions individuelles qui orientent la société et engendre le changement au niveau microsocial. Ainsi, la totalité du fait social est le résultat des décisions de chacune de parties qui constitue l’ensemble. Ce qui ne voudra pas dire que les éléments qui constituent l’ensemble sont indépendants ! les conditions extérieures que subissent les parties sont interprétées et l’individu leur donne une signification à travers ses motivations. Il faut donc observer la réalité sociale à travers les significations et le sens du social observé selon le vécu de l’individu (Bernard Dantier, 2005; P 3). En effet ; l’individualisme méthodologique interprète les faits sociaux à travers les choix individuels qui donnent la dynamique à l’ensemble des acteurs.

Pour mieux comprendre les stratégies de l’ASC dans la promotion du leadership féminin à travers l’entreprenariat des filles, une enquête de terrain a été menée. Au total, l’histoire de vie et les perceptions recueillies auprès de 20 interlocuteurs bénéficiaires directs et indirects et 10 personnes ressources. Les résultats de cette recherche et l’analyse des données sont présentes dans cet article.

  1. Résultats et analyse

II.1.   De soumise à entrepreneure

La naissance de l’Association des Servantes de Christ a été favorisée par la charité de venir en aide à son prochain qui a animé les premières femmes missionnaires. En effet, c’est pour venir en aide aux personnes vulnérables   que des femmes se sont réunies sous l’impulsion de Catherine.  Les femmes accompagnaient les équipes masculines dans l’évangélisation et sont chargées du volet social : assistance financière aux personnes démunies. L’église des Assemblées de Dieu repose sur ces déclarations scripturaires :

« Nous engageons à exécuter l’ordre que le Seigneur Jésus-Christ a donné à ses apôtres : « allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28 : 19, 20). 

En effet l’église trouve dans cette déclaration le fondement des œuvres charitables.  Outre les objectifs spirituels, la mission secondaire de l’église est alors la création d’œuvres sociales. C’est ainsi que les différents départements sont créés ; chacun pour accomplir sa vision de la mission. Il s’agit du département de la jeunesse ; des hommes, des enfants et adolescents et celui des femmes. Cette dernière est la plus active dans le domaine social. L’ASC des Assemblées de Dieu du Bénin a développé une grande sociabilité multifonctionnelle par la création d’un centre de réinsertion des jeunes filles victimes de violences basées sur le genre.

II.2.   Le Centre Ruth et sa vision

Le centre Ruth est né de la vision d’une femme de Pasteur, en ce temps Présidente nationale de l’ASC, pour voler au secours des filles en situation difficile. Face à la vulnérabilité et aux cas sociaux de l’Église, Madame Sambieni Victorine a émis et réalisé l’idée d’un centre de formation professionnelle ; pour ces filles en 2004, sur fond de cotisation de toutes les femmes membres de l’ASC. En effet, l’Église connaissait de nombreux cas de mariage par échange surtout dans l’Atacora et l’Alibori. Des filles qui fuguaient pour se réfugier chez les pasteurs pour échapper également au mariage précoce et forcé. D’autres qui s’y opposaient sans être forcées étaient rejetées par la famille qui les considérait comme des renégats ayant déshonoré la famille surtout dans les familles musulmanes. Ce centre a commence avec une dizaine de filles a atteint un effectif de quatre-vingt filles en moins de vingt ans.  Plus de trois cent filles sont formées et autonomisées par le centre en quinze d’existence. Le centre dispose d’infrastructures d’accueil dont deux modules pour les dortoirs, un bloc administratif, deux grandes salles de formation en couture et tricotage, tissage puis de coiffure, une chapelle de prière et une paillote qui sert également d’espace de détente.

« Le centre est créé pour sauver les filles du mariage forcé. Il vise à réintégrer les victimes de mariage forcé, de viol, d’échange… à retrouver leur dignité de fille et de femme » (Line, femme ; 38ans gérante du centre Ruth). Les internes viennent de différents départements du Bénin notamment de l’Atacora principalement, de l’Alibori et du  Borgou. L’ASC  respecte les procédures de recrutement imposées par les textes en la matière.

I.1.     Le processus de recrutement des bénéficiaires

Le recrutement des bénéficiaires et internes du Centre Ruth de Tourou se fait à travers ses démembrements au niveau local, dans les Églises.  Les familles vulnérables sont identifiées et les filles sont orientées vers le centre pour une formation qualifiante de trois ans. Avant l’admission des filles en cas de fugue de la maison  parentale, une enquête sociale est menée avec l’aide des services du Centre de Promotion Sociale de ressort. Les parents sont convoqués sont convoqués et écoutés au cours de la procédure de recrutement dans le centre. Lorsque les parents sont d’accord pour prendre en compte la volonté de leur enfant, la procédure est stoppée et elle retourne dans sa famille d’origine. Lorsque le risque de récidive est grand, suivant les conclusions de l’enquête sociale, la fille est acceptée dans le centre avec l’accord tacite de ses parents. Un accueil suivi psychologique est disponible sur place au centre. Un internat permet aux filles de retrouver un tant soit peu, une famille adoptive   où elle partage sa vie avec d’autres filles qui ont des difficultés similaires. Le séjour au centre est de trois ans.

  1. De victimes à entrepreneure : Histoire de vie

Apres trois ans de formation selon le métier choisit, les filles passent l’examen officiel du Certificat de Qualification professionnelle. Beaucoup de ces filles arrivées dans le centre étaient au départ des victimes dont l’avenir et le destin ont failli être hypothéqués.

Le choix du nom de « Ruth » choisit pour désigner le Centre de formation professionnelle des ASC n’est pas anodin. Dans la Bible ; notamment dans le livre de Ruth, les saintes écritures parlent d’une jeune veuve  qui a tout abandonné pour suivre sa belle-mère veuve elle aussi. Les deux sont pauvres et quittèrent le pays de Moab vers Bethlehem sans rien. Arrivée à Bethlehem, la vie de Ruth va changer grâce à sa persévérance et à sa détermination à réussir et à s’occuper de sa belle-mère. Cette persévérance et son esprit de sacrifice et de solidarité avec une belle-mère veuve lui a permis de changer le cours de son histoire.

Les filles arrivent dans le centre en fuyant des situations effroyables.

« Les filles qui arrivent dans ce centre sont des filles détruite et sans espoir. D’autres sont passées par des violences physiques, des viols  et d’autres abus dans leur fuite ou quête de solution pour améliorer leur condition de vie. La vision du centre c’est de redonner de l’espoir à ces vies parfois brisées très tôt. Elles y entrent malheureuses mais repartent avec le bonheur de la réussite ». (Line, femme, 28 ans, gérante du centre  Ruth de Tourou ; entretien février 2019).

Voici l’histoire de vie de quelques unes qui ont bien voulu contribuer à cette recherche.

Je m’appelle Ruth. J’ai fuit la maison de mon père pour échapper au mariage par échange. Avant que mon père ne devienne chrétien, il a fait la promesse en mariant ma mère de donner une de ses filles en mariage dans sa belle-famille.  J’avais 11ans et en classe de CM2 quand les grands-parents ont réclamé de mon père de tenir sa promesse. Je devais être donnée en mariage. Ma mère m’a informé ; je suis allée voir mon père pour protester mais il m’a dit qu’il n’avait pas le choix que d’accepter. Je ne voulais pas ; je pleurais de toutes mes forces. Apres les cours de vendredi, ma mère m’a informé qu’on allait venir me kidnapper la nuit du samedi. Elle m’a conseillé de fuir à temps. Je ne savais où aller. Au village personne n’oserait me défendre contre ces gens là. Alors, je suis allée dans la maison du Pasteur. La femme du pasteur a négocié pour que je sois envoyé ici… j’aurais voulu continuer mes études mais les parents n’avaient les moyens et mon père voulait me marier. (Ruth, Fille, 15 ans, victime de mariage par échange, Kotokoli, originaire de Waria, Tchatchou. Entretien de février 2019).

 

Encadré 1 : une tentative de mariage par échange.

 Le mariage par échange est une dette contractée par les parents d’une fille dont elle est le règlement. Dans ces cas, les filles sont prises très jeunes pour ne pas s’opposer au mariage une fois mature. Lorsque la fille mineure est conduite dans son futur foyer, elle est gardée par la femme la plus âgée de la famille en attendant d’avoir l’âge requis pour le mariage. Généralement après ses deuxièmes menstrues auxquelles veillent rigoureusement la tutrice.  Il est rare que les futurs époux respectent ce pacte sans abuser de « la future » épouse. Les parents sont parfois complices de la fuite de leurs enfants mais ne prennent pas garde à ce qui pourrait arriver à la fille une fois dehors. Ruth a eu le réflexe de se réfugier chez un pasteur qui est une autorité craint dans le village. Elle n’a pas osé aller chez un quelconque car les hébergeurs peuvent être traité de kidnapper ou de complice d’enlèvement. Ainsi, parfois en cas de fuite, les filles passent des jours en brousse à marcher. C’est le cas de Ramnath.

Encadré 2 : histoire de vie d’une victime de mariage forcé

  La question de la religion est présente dans ce centre. Les filles venues de l’Alibori sont de famille musulmane. Le père de Ramnath l’a renié considérant que sa fille s’est alliée aux ‘’Quirds’’ pour le convoquer devant le CPS. Sa famille l’a délaissé et personne ne veut en porter la responsabilité. La formation dure trois ans au centre est axée essentiellement sur l’apprentissage de m’tiers. Les métiers sont : le tissage traditionnel de pagne, le tricotage ; la coiffure et la couture.

Les filles entrées dans ce centre et qui en sont sorties ou en fin de formation sont reconnaissantes et transformées. C’est le cas de Farida :

 
 

Je suis Farida. J’ai 22 ans. Je suis formée au centre Ruth. J’attends ma libération en juin. […]. Si le centre n’existe pas ; moi je ne sais pas ce que je serais devenu […]. J’étais si désespérée que tout pour je vais arriver… Le centre m’a sauvé la vie. Je ne savais pas qu’un jour je serai fière de moi-même. Je sais que je suis importante et je peux décider maintenant pour ma vie. Avant, j’avais peur de choisir quelque chose ; de parler devant les gens… aujourd’hui je suis avec mes sœurs et même devant les étrangers je peux parler et former d’autres filles. (Farida, fille, 22 ans, bénéficiaire

 

 

 

 

 

 

 

Le centre Ruth des ASC travaille non seulement à l’autonomisation des filles mais surtout à leur redonner leur dignité et leur place dans la société en tant que personne humaine à part entière. Une aumônerie est chargée de leur accompagnement spirituel. Un suivi rigoureux par un psychologue est assuré. Les curricula sont préparés en conséquence. En dehors des métiers, les filles ont droit aux cours de français fondamental, de mathématiques et de lecture. La formation dure trois ans. A la fin ; les équipements sont remis aux récipiendaires pour qu’elles s’installent sitôt à leur propre compte. Plus de 300 filles ont été formées et ont bénéficiées de l’appui à l’installation.

Pour ce faire, le centre Ruth à solliciter des soutiens et noué des partenariats pour l’équipement des filles en fin de formation.

  1. Acteurs et partenaires du Centre Ruth

Le centre Ruth a des partenaires nationaux et internationaux. Le premier partenaire reste l’Association des Servantes de Christ qui soutient le Centre à travers les cotisations de ses membres.

III.1.     Stratégies de survie du centre Ruth ONG de l’ASC de Tourou : facteurs de changements favorables au leadership féminin au sein de l’Église

En soumissionnant aux appels à projets et à travers des plaidoyers à l’égard des structures gouvernementales et des partenaires techniques et financiers ; le Centre Ruth-ONG des l’ASC parvient à couvrir partiellement les besoins annuels du centre dont la moyenne annuelle est de francs CFA vingt-quatre millions (24.000.000) dont six (6) millions pour la seule restauration. Le budget est couvert par les bureaux régionaux : les femmes responsables de chaque Église locale ou sectorielle donne une part de cotisation annuelle couvre le budget à hauteur de trois millions pour 2019.

« Au niveau de notre église locale, chaque femme doit donner 100 chaque dimanche. Cette somme est divisée en deux pour le soutien du centre Ruth ; une fois par an. Aussi, il y a des soutiens en nature. Depuis deux ans une journée est consacrée au centre pour soutenir le ministère de l’ASC de venir en aide aux filles en situation difficile ? Lorsque l’information et l’enjeu sont bien expliqués, les fidèles font des offrandes volontaires ». (Hélène ; femme, (52 ans, présidente de l’ASC, région du littorale, section Akpakpa, Église locale.

« Le centre reçoit aussi des dons en nature des femmes membres de l’ASC en dehors des cotisations conventionnelles. Lors des Conseils Locaux des Eglises (CLE), les femmes font des collectes de fonds pour aider le centre. L’Eglise nationale participe aussi financièrement mais très rarement. Le budget national n’a pas de ligne pour le centre. Depuis 2018, une fois par an, une journée est consacrée au centre. Les responsables des femmes au niveau local ont l’occasion de parler du centre et de ses activités. A cette occasion, une offrande est prélevée pour soutenir le centre. Les autres sources de financements sont :

-  un couple missionnaire Roman   résident au B »nin qui donne des machines à la promotion sortante ;

-  le Pasteur OVER qui donne aussi des machines ;

-  la fondation  suédoise ERIKS  qui a soutenu le centre depuis sa création et dont le centre d’intérêt change et sur le point de couper le financement pour se concentrer  sur le développement communautaire.

-  Le PAFPA (coopération suisse) : centre a postulé et gagner un projet à court terme, pour la réalisation d’un forage, d’une pompe solaire et d’un panneua solaire pour l’éclairage ;

-  Orléans (ONG canadienne) pour des dons   en nature ;

-  PUM  (ONG néerlandaise), pour une expertise en haute couture ;

-  Les cotisations des régions   de l’Eglise des Assemblées de Dieu et de toutes les femmes membres ;

-  Les bonnes volontés, des particuliers.

Depuis un an, en 2018, l’Église nationale des Assemblées de Dieu a autorisé le Centre Ruth à faire les démarches de régularisation au niveau de l’Etat. Le Centre a été enregistré comme une ONG, pour faciliter le partenariat avec d’autres organisations et la facilité dans les démarches d’obtention des ordonnances de placement. En effet, lorsque les filles sont formées certaines sont réintégrées dans leur famille. Le processus est conduit tout le long des trois années de formation.

III.2.     Les différents acteurs de la promotion de l’entreprenariat féminin au sein de l’ASC

  « Des visites sont organisées en famille et des séjours pendant un mois à deux lors de vacances. Lorsque la famille est souple et prête à reprendre les filles, elles retournent dans leur famille qui continuera à soutenir la fille dans la satisfaction de ses besoins en attendant que son métier la rende majeure. Lossau les familles ne désirent pas reprendre les filles, des démarches sont menées pour l’ordonnance de placement auprès du juge des mineurs. Dans ce cas, un foyer d’accueil est trouvé pour les filles qui le souhaitent ». (Ruth ; femme, « 38 ans, Gérante du Centre Ruth de Tourou ; entretien de février 2019).

Le centre Ruth accompagne les filles même après leur sortie du centre pour s’assurer que la réinsertion est réussie.

« […] l’initiative des femmes de créer un centre de formation montre que la femme a du génie ? je plains les églises où la femme n’a pas droit à la parole ! Cette initiative a déchargé l’église d’un poids énorme. Le centre règle un grand nombre de problèmes. Les filles c’est bien ; elles sont les plus nombreuses à être victimes de violence par ce qu’elles sont des filles. L’Église encourage l’initiative qui est une première pour les Assemblées de Dieu et qui ne sera certainement pas la dernière. […] ». (Sambieni, homme, 55ans ; personne ressource. Enquête de terrain, décembre 2018).

Discussion

L’Église et leadership féminin ne sont pas contradictoires au sein de l’Église des assemblées de Dieu. Les femmes exercent leur leadership au milieu des femmes mais également auprès des institutions de l’Église. Ce leadership est très remarquable dans le domaine des œuvres sociales et du développement des initiatives de développement. On pourrait presque dire que les femmes sont le bras social de l’Église des Assemblées de Dieu. Le centre Ruth en est la preuve probante.

La vision de l’ASC, c’est de faire du Centre Ruth, un centre phare de la sous-région pour l’entraide et la solidarité entre les femmes pour le bien-être et l’épanouissement des filles et surtout des filles en situation difficile. Tel que Weber l’exprime dans l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, ce n’est pas seulement le mode de production qui change les formes de collaboration. L’adoption de nouvelles valeurs sont facteurs de changement, (Weber, 2013). Il défend l’idée selon laquelle, le changement du mode de production dépend de l’adoption et de l’émergence de nouvelles valeurs. L’adoption de ces nouvelles formes de valeurs est influencée par l’environnement économique et les pressions que subissent ceux qui décident. Quel que soit l’objectivité de l’entrepreneur dans la gestion de son capital, il est influencé par les nouvelles valeurs : « l’entrepreneur exerçait une activité purement commerciale ; l’emploie de capitaux était indispensable ; enfin, l’aspect objectif du processus économique, la comptabilité, était rationnel » (Weber, 2013)[1].

Si nous considérons l’Église comme une entreprise, ce qu’elle est en tant qu’organisation regroupant des individus avec des besoins divers, chaque y joue son rôle pour la survie de l’ensemble. Avec un capital fut-il financier, matériel, humain ou culturel, elle est un projet de société qui vise à satisfaire les clients (les fidèles qui sont comme des employés de cette entreprise). Cela sous-entend que les intérêts de l’institution varient avec les besoins de ses membres. Par conséquent, l’environnement de l’Église qui est la société toute entière protège les droits humains. Et l’enfant est passé d’une « propriété privée à la propriété publique » : l’Etat promeut la protection de l’enfant et de la femme (ODD 5). C’est dans cet ordre d’idée que Weber (2013) explique que : « le gain est devenu la fin que l'homme se propose, il ne lui est plus subordonné comme moyen de satisfaire ses besoins matériels ». Il est donc clair que l’église pour garder ses ‘’employés’’ qui sont les fidèles (le gain) qui en est la finalité se déploie pour s’adapter à son environnement. Le Centre Ruth n’a fait l’objet d’enregistrement qu’après quatre (4) ans de négociation. Finalement l’Eglise nationale a cédé face à la pression des gestionnaires du centre qui exprimaient la nécessité de le faire en vue des accords de partenariat. L’évolution des normes sociales en générale influence la dynamique de l’église qui donne même à celle-ci de nouvelles perspectives pour satisfaire ses membres. La naissance de l’Association des Servantes de Christ répond à un besoin de satisfaire cette liberté d’expression féminine. L’Église dans sa dogmatique mission d’œuvrer pour s'acquitter de sa mission de salut et des œuvres sociales annoncée par son maître le Christ dans le livre de Mathieu 28 verset 19 à 20.

A travers le département des femmes dans l’Église, les femmes ont développé un leadership de qualité qui va au-delà de la simple solidarité pour devenir une dynamique de changement social dans le foyer chrétien, l’Église et le changement social qui repositionne la femme au sein de la société comme membre à part entière. L’ODD 5 : « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles » est un transversal à tous les Objectifs du développement durable pour 2030. L’élimination de toutes les formes de discrimination fondées sur le genre dans tous les domaines de la vie économique, sociale, politique, environnementale, culturelle et technologique ; l’autonomisation des femmes et des filles, la défense de leur santé et de leurs droits sexuels et reproductifs, la lutte contre les stéréotypes ; etc. sont autant de leviers pour le développement durable et l’atteinte des cibles à l’horizon 2030. Pour cela, l’Association a pu obtenir cette caution de confiance pour l’autonomisation des femmes. Comme le témoigne un des responsables : « les premières n’ont pas déçu ; donc pourquoi ne pas faire confiances aux autres » : (Pasteur ; homme, 45 ans, entretien de décembre 2018). En effet, les préjugés mettent souvent en avant le manque de solidarité entre les femmes (Jones-Deweever, 2017). Mais cette stratégie des femmes des Assemblées de Dieu est une preuve que la solidarité est un facteur de promotion du leadership féminin.

Conclusion

L’égalité entre les femmes et les hommes est l’un des défis majeurs du développement humain mais également un défi pour chaque génération. L’autonomisation des filles et des femmes et le respect de leurs droits, contribue à élever leur niveau de leadership. Cette lutte n’est pas seulement l’apanage du politique mais elle doit être menée sur l’ensemble de tous les domaines de la vie. La religion étant un élément fondamental de la culture, la prise en compte de l’engagement de s responsable religieux engagement est une garantie de l’efficacité des politiques de développement. L’ODD 5 : « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles » est un socle transversal à tous les Objectifs du développement durable pour 2030. L’élimination de toutes les formes de discrimination liées au genre dans tous les domaines de la vie, l’autonomisation des femmes et des filles, la défense de leurs droits à la santé sexuelle et reproductive sont autant de leviers pour assurer un développement durable.

 

 

Références bibliographiques

‒        Laurent P.-J., (1999) « Archives de Sciences Sociales des Religions, N°105 ;  pp. 71-97 in : « Le Pentecôtisme : les paradoxes d'une religion transnationale de l'émotion » ; 

‒        Crozier M., E. Friedberg, 1977, L’acteur et le système, Paris, Seuil, 506 p ;

‒        Dantier B., sociologue, (2005) “Hypothèses, individualisme méthodologique et éducation.”Extrait de : Raymond Boudon, L’inégalité des chances, Paris, Hachette / Pluriel, 1979 (1ère édition 1973),pp. 106-113.

‒        Aubrée David-Chapy « L’Église et les femmes » - (2009) , Tempora ;

‒        Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1964; Gallimard, 2004 ; Pocket/Plon, collection Agora, 2010 (ISBN 2-07-077109-1).

‒        Jacques Ellul : « Max Weber, l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme », in Bulletin SEDEIS, numéro 905, supplément numéro 1, 20 décembre 1964 ;

‒        Alain Laurent, L’individualisme méthodologique, Que sais-je ? no 2906

‒        Pierre-Joseph Laurent, (1999) L'Église des Assemblées de Dieu du Burkina-Faso. Histoire, transitions et recompositions identitaires.



[1] Max Weber, (‎2013 : 77), L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme,

 

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