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10 juillet 2018

LES OBSTACLES A LA PRISE EN CHARGE DE LA VULNERABILITE CHEZ LES ENFANTS MENDIANTS A COTONOU

LES OBSTACLES A LA PRISE EN CHARGE DE LA
VULNERABILITE CHEZ LES ENFANTS MENDIANTS A
COTONOU
ELIJAN Bélou Abiguël, doctorante en Sociologie de développement (UAC).
Tel. (229) 94 69 82 06. mylifehopeness@gmail.com
ATCHEKPE F. Septime, doctorant en Sociologie de développement (UAC).
Tél. (229) 97444990 asept7@gmail.com
TINGBE –AZALOU Albert, Professeur Titulaire, Université
d’Abomey-Calavi
Tél. (229) 96210057 blenu2013@hotmail.com
Résumé
Cet article analyse les trajectoires des enfants mendiants et guides de
mendiants, la mobilité sociale de personnes vulnérables à travers leur vécu et
leur connaissance des droits de l'enfant pour comprendre les obstacles à leur
prise en charge. La recherche a permis de préciser les contours de la notion de
vulnérabilité et ses différentes formes. La démarche méthodologique ayant
conduit aux résultats présentés dans cet article est une approche qualitative,
avec des entretiens individuels effectués à Cotonou, notamment au quartier
Zongo et dans les environs du marché international de Dantokpa. Elle a permis
de montrer que l’avance de la solidarité et l'assouplissement des procédures
administratives sont des facteurs favorables à une meilleure prise en charge
de vulnérabilité sociale des enfants mendiants.

Mots-clés : mendicité, droit de l'enfant, vulnérabilité.


Abstract

This article analyzes the trajectories of begging children and beggar guides,
the social mobility of vulnerable people through their experience and their
knowledge of the rights of the child to understand the obstacles to their care.
Research has clarified the contours of the notion of vulnerability and its
different forms. The methodological approach that led to the results presented
in this article is a qualitative approach, with individual interviews conducted
in Cotonou, particularly in the Zongo district and in the vicinity of the
Dantokpa international market. It made it possible to show that the advance of
solidarity and the relaxation of the administrative procedures are factors
favorable to a better management of social vulnerability of begging children.
Keywords: begging, right of the child, vulnerability.
Introduction
La mendicité, qu’elle soit impulsée par des convictions religieuses ou par pure
nécessité, reste au regard de la déclaration des droits de l’enfant, une violation
de la loi sur la protection des enfants. Des enfants de plus en plus petits et
nombreux déambulent ente les véhicules et motocyclistes à la recherche d’une
âme généreuse défiant ainsi les dispositions qui garantissent la protection des
enfants contre toute forme d’exploitation. Ce qu’on pourrait appeler un drame
social (Assi Marcellin, 2003). Bien que le 03 août 1990 le Bénin a ratifié la
Convention relative aux droits de l'enfant qui se traduit par la mise en place
du Programme National d'Actions (PNA) en faveur de l'enfant et de la femme.
L’éducation était l’une des priorités dans cette politique de : « les enfants
d’abord ».Cette politique est réaffirmée en 2002 avec l’adoption de la
déclaration : « un Monde Digne des Enfants », pour la promotion de meilleures
conditions de vie, l’éducation des enfants et leur protection contre toute
violence physique et psychologique. Cependant, et malgré les progrès
accomplis par le Bénin dans l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD), notamment ceux concernant particulièrement les
enfants (objectifs 1, 2, 3, 4, 6, 7 et 8), la condition de l’enfant est encore très
précaire. Ainsi, certains indicateurs de vulnérabilité ne semblent pas connaître
une amélioration ; en témoignent des enfants exposés aux intempéries à
longueur de journée, mendiant dans les carrefours, les gares, les mosquées à
la recherche de la subsistance quotidienne. Entre les discours, les programmes
et le financement apportés par l’Etat et ses partenaires, des intentions à
l’acte, des efforts restent à fournir.
Du latin mendicĭta, la mendicité est l’action de quémander et la condition de
celui qui vit de l’aumône, c’est-à-dire qui compte sur la faveur et la générosité
des autres pour pouvoir subsister. C’est généralement une demande d’argent
aux automobilistes dans la rue ou aux passants devant l’entrée d’un lieu de
culte (mosquée, église hôpital, pharmacie), un lieu très fréquenté ou un
bâtiment de service public. Celui qui le fait est appelé mendiant. Il peut
demander d’autres choses comme de la nourriture, des vêtements ou des
médicaments pour survivre partiellement ou totalement. La mendicité urbaine
est une préoccupation qui pourrait être considérée comme une préoccupation

secondaire face aux difficultés auxquelles doivent faire face les décideurs pour
amorcer le développement. Pourtant cette situation est la partie visible de
‘’l’iceberg’’ que représente les dynamiques socioéconomiques au niveau du
monde rural. Il éveille la curiosité sur ce qui peut pousser les populations
rurales à abandonner les villages et les champs pour envahir les rues de la ville
et des petits enfants à prendre des risques à vivre sur les trottoirs en risquant
leur vie entre les véhicules et les motos. En effet, on pense que c’est
généralement le manque de ressources dû à certains évènements comme un
accident ou une maladie invalidant, la vieillesse, qui conduisent à la mendicité,
bien qu’il y ait certains cas de choix volontaire pour le gain facile ou même
dû à la paresse. Tous les pays du monde, quel que soit leur niveau de
développement sont confrontés au problème de la mendicité. Des personnes
pauvres vivant dans la précarité au quotidien et exposé aux intempéries de la
nature se retrouvent dans les rues, pour solliciter la générosité des passants
pour survivre. Ailleurs on est passé du clochard dans la rue à celui des « sans
domicile fixe » (SDF). La pauvreté est souvent à côté de la grande richesse,
ce qui fait appelle à la solidarité entre les personnes de différents milieux et
conditions sociales.
En effet, une étude menée en 2012 par l’UNICEF et le Gouvernement
béninois (UNICEF, 2012)1, montre que les enfants sont souvent les premières
victimes des conditions précaires de vie des parents. Ainsi, les conditions de
vie des enfants traduisent souvent le niveau de vie des parents, car les
difficultés financières et économiques qui touchent les populations sont plus
ressenties sur les enfants. C’est pour cela que leur bien-être nécessite la mise
en oeuvre de politiques fondées sur les Droits Humains. Le Bénin est signataire
de la Convention des Droits de l’Enfant (CDE) qui offre un cadre international
permettant de garantir les droits et la sécurité aux enfants. Pour garantir la
sécurité et la protection de l’enfance, l’Etat a créé des dispositifs de prise en
charge des enfants en situation difficile.
La pauvreté est souvent prise comme l’apanage des milieux ruraux, pris dans
un cercle vicieux de pauvreté-vulnérabilité ou de richesses précaires et
saisonnières, susceptible de les faire retomber dans la pauvreté à la moindre
crise. Mais la présence très remarquée des enfants mendiants dans les
carrefours et les scènes de ‘’misère’’ que présente certains quartiers de
Cotonou comme Zongo et ses environs interpelle le chercheur sur les
fondements de ce phénomène. Malgré les efforts consentis à travers les
programmes de protection de l’enfance, plusieurs enfants vivent encore dans
des conditions très précaires dans la ville de Cotonou. Il n’est pas rare de voir
des enfants soumis à de rudes conditions de vie, mendiant dans les rues et dans
les grands carrefours de la ville Capitale économique du Bénin, Cotonou.
Comment expliquer la recrudescence de la mendicité pratiquée par des
enfants ? Les grands axes de réflexions concernent la connaissance des droits
des enfants et de l’existence des institutions de prise en charges des cas
sociaux, la perception de la mendicité des enfants par les mendiants et leurs
proches, les trajectoires sociales des acteurs et les difficultés auxquelles ils
sont confrontés ainsi que les perspectives à envisager pour développer, au sein
de l’ensemble de la société, une tolérance et une solidarité plus propices à
l’acceptation de ses « vulnérables » et faciliter leur prise en charge. Pour y
parvenir, une démarche méthodologique essentiellement qualitative a permis
de recueillir les informations.

1. Approche méthodologique


La présente recherche empirique, dont la question de recherche est : « quels
sont les facteurs favorables à la mendicité des enfants dans la ville de
Cotonou », de type qualitatif, a été réalisée entre juillet 2016 et septembre
2017. Elle a porté essentiellement sur les trajectoires familiales et l’histoire de
vie des enfants mendiants rencontrés dans les rues et grands carrefours de la
ville de Cotonou notamment au quartier Zongo et dans les environs du marché
international de Dantokpa. Le choix du quartier de Zongo se justifie par la
présence permanente des mendiants mineurs de toutes conditions physiques
(aptes, invalides). Le choix du Marché international de Dantokpa est lié au fait
que ses environs sont devenus de nouveaux lieux de prédilections des
mendiants, surtout béninois. A l’aide d’un guide d’entretien, 31 interviews
individuellesont été réalisées(avec 08 filles de 5 à 22 ans, 12 garçons de 9 à
17 ans puis11 adultes dont 5 proches des mendiants et 6 guides de
mendiants).Ilsont permis de répondre à la question de recherche posée.Les
informations sont recueillies à travers des entretiens non structurés sur les
trajectoires sociales : vécus avant, pendant la pratique de la mendicité, les liens
familiaux, le niveau de vie des familles, leurs activités et les raisons du choix
de la mendicité comme recours de survie ou comme ‘’métier’’, soit l’histoire
de vie de ces mendiants et guides de mendiants. Le choix des interlocuteurs a
fait l’objet d’un échantillonnage par choix raisonné, après des observations
directes et une enquête exploratoire. Les critères de choix des enfants, suivant
les différentes tranches d’âges sont : handicapés, non handicapés, non
scolarisés et déscolarisées.
Le choix des enquêtés a été fait par l’effet de boule de neige grâce à l’appui
d’un guide repéré pendant l’enquête exploratoire. L’effectif de 31 enquêtés a
été arrêté suite à la saturation des informations recherchées. Les entretiens ont
été conduits en Zarma, Yorouba, Fon, Dendi, Haoussa et en français. Les
informations recueillies ont fait l’objet d’analyse de contenu. L’observation
directe a permis de confronter les discours formels des acteurs des services de
la protection de l’enfance à la réalité quotidienne et à l’histoire de vie des
enfants mendiants.
2. Principaux résultats
Les résultats sont présentés autour des grands axes de l’enquête : la
connaissance des droits des enfants et de l’existence des institutions de prise
en charges des cas sociaux, la perception de la mendicité par les enfants
mendiants et leurs proches et leurs trajectoires sociales : les difficultés
auxquelles ils sont confrontés et leurs perspectives pour une meilleure sécurité
pour le mineur.
2.1. La connaissance des droits des enfants et de l’existence des
institutions de prise en charges des cas sociaux
Les résultats montrent que les enfants ne connaissent pas leurs droits. Pour les
guides de mendiants (adultes), les enfants n’ont pas de droits parce qu’ils ne
sont que des enfants. Ils ne connaissent pas leurs droits et les prescriptions de
la CDE. Leurs connaissances sur la protection des enfants concernent les
droits fondamentaux, à savoir : le droit à la protection, avec une définition
toute différente de celle de la CDE. La protection, ils la définissent comme le
fait de « préserver l’enfant de tout ce qui peut lui faire du mal » ; mais la
mendicité ne fait pas partir de ces choses qui peuvent faire du mal à l’enfant.
Le droit à la vie, à l’alimentation et à la santé sont les plus cités, même si le
sens et le respect de ces droits est relatifs dans leur entendement. Le droit à
l’éducation et à un logement sont les droits auxquels les interlocuteurs font
rarement référence. Quand il s’agit de logement et d’éducation, les mendiants
ont du mal à en parler comme d’un droit.

Encadré 1 : connaissance des droits des enfants
« Le respect des droits dépend des autres. Je sais que mon enfant a droit à
la santé ; mais si je n’ai pas l’argent pour l’hôpital, je peux le soigner
quand même avec des comprimés acheté au marché ou avec les feuilles
[…]. Si je n’ai pas de quoi payer la scolarité de mes enfants alors l’école
n’est pas un droit ». […]. Mes deux enfants sont avec moi. Quand je viens
seule, ce que je reçois ne nous suffit pas. Certains ont plus pitié des enfants.
Le droit c’est le pouvoir qu’on a de réussir à avoir quelque chose sans
effort. On ne dépense pas pour un droit, on reçoit c’est comme l’héritage
des parents […]. (Hoonon, mendiante, mère de mendiants mineurs).
Les choix de ce que doivent faire les enfants (participation ou volonté de
choisir leur avenir) sont réservés aux adultes. Les enfants, selon ces derniers
ne peuvent décider pour eux-mêmes. Ceux qui sont à Cotonou depuis au
moins trois (3) ans ont une perception plus souple de la protection et des autres
droits des enfants. Ils pensent que s’il y a de possibilités et des moyens,
l’enfant a le droit de choisir son avenir mais avec le conseil avisé de ses
parents. Pour ce qui est de l’existence des institutions de prise en charges des
enfants en situation difficile, les enfants moins âgés, entre 7 et 14 ans ne
connaissent pas dans leur majorité l’existence des centres de prise en charge
des enfants vulnérables. Par contre, les guides de mendiants connaissent tous
l’existence de ces centres. Mais ils font le choix ou sont contraints de ne pas
prendre contact avec eux, par peur de se voir refuser ce droit et d’être « la
risée de leur famille ».Une femme, mendiante et mère d’enfants mendiants
confit :
Encadré 2 : connaissance des droits des enfants
« Je me suis rendue dans le Centre de promotion Sociale pour obtenir de
l’aide mais, je n’ai pas pu avoir les papiers qu’ils ont réclamés ; car, je
n’ai même pas un acte de naissance. Je devais me rendre à Abomey pour
m’en faire. Je n’ai pas eu les moyens pour le déplacement. […]. Ils m’ont
dit sans les papiers, je ne pouvais même pas obtenir les frais de
déplacement ». J’avais des enfants à élever. Quand mon mari est décédé,
la belle-famille m’a sorti de la maison avec les enfants en m’accusant
d’avoir tué leur fils. Dans ma famille, mes frères et soeurs n’avaient pas
assez de moyens pour nous accueillir Je n’avais d’autre choix que de
quémander. (Gisèle, 42 ans, femme, handicapée-moteur ; mendiante au
marché international de Dantokpa, juin 2017)

Les enfants « handicapés sociaux » ont du mal à imaginer leur vie autrement
qu’en mendiant. Les handicapés sociaux sont ces enfants qui, après avoir
passé des années à mendier aux côtés des parents handicapés, n’arrivent pas à
se sortir de la mendicité bien quels ne soient pas fiers d’être des mendiants
après 12 ans. Mais, ils n’ont vécu de la mendicité et deviennent des
« mendiants instinctifs ». Ils ne voient aucune issue à leur situation. Ils ont du
mal à s’insérer dans le tissu social. En faisant allusion au Centre de Promotion
Social (CPS), c’est pour déplorer du fait que les « simples papiers » à fournir
les empêchent d’être pris en charge. Les formalités administratives constituent
une véritable entrave à l’appui des personnes non handicapées, jeunes mais
vulnérable. Pour ce qui est des personnes pauvres et vulnérables, les moyens
de preuve de leur indigence est l’obstacle majeur. Un autre mendiant précise :
Encadré 3 : connaissance des droits des enfants
« Je sais qu’il y a des centres pour nous aider. Mais dans ces centres, il
faut connaître quelqu’un pour être accepté. J’ai tenté de me faire accepter
dans un centre mais ils m’ont posé beaucoup de questions. […]. J’ai dit que
j’étais orphelin et je n’avais personne pour m’aider. Je voulais juste avoir
vingt mille francs pour faire un petit commerce de bonbons et de cigarettes
à Zongo ici. La dame a demandé d’apporté les papiers de mes parents. Je
ne pouvais même pas donner mon papier de naissance, je n’en ai pas ;
comment avoir pour mes parents ? Elle a dit il faut qu’on vérifie si mes
parents sont vraiment morts ou je devrais amener des papiers de leur décès.
J’étais découragé et je ne savais où aller. Je suis retourné plusieurs fois au
centre mais chaque fois on me disait que la dame qui avait discuté avec moi
n’est pas là. Ils demandent de déposer les papiers qu’elle a demandés. Moi,
je n’avais aucun papier. J’ai cherché du travail dans les boutiques mais
les gens ne me faisaient pas confiance parce que j’étais mal habillé, ils me
prenaient pour un fou ou un voleur. (Bouraïma, 27 ans mendiant et
‘’surveillant de mendiants à zongo).
« Je sais que j’ai le droit d’aller à l’école Mais si je n’ai pas les
moyens d’y aller, quoi ça sert ? […]. Le droit de manger et de me soigner
aussi, mais tout ça est difficile. Je pense que tout le monde n’a pas la même
chance. Je ne voudrais pas faire souffrir des enfants ; c’est pour ça je veux
pouvoir travailler pour vivre mieux ». (Moïse, 14 ans, garçon, mendiant
occasionnel à Zongo, août 2017).
Les démarches administratives sont difficiles à mener, en conséquence,
puisque les personnes concernées sont jeunes et non scolarisés pour la plupart.
Dans ces cas, l’existence de ces structures d’aide ne signifie plus sécurité pour
ceux-ci, ils pensent que ces dispositifs ne les concernent pas. Tel que la

souligné HELUS (2007) dans la « motivation psychologique », c’est lorsqu’il
y a de l’espoir d’obtenir quelque chose que l’on peut persévérer. Les enfants
confrontés à des situations difficiles n’ont pas des tuteurs disposés à les
accompagner dans les démarches pour leur prise en charge. Sans repères en
ville, ils se tournent souvent vers la mendicité.
2.2. Perceptions de la mendicité par des adultes
La mendicité est définie comme le fait de quémander et la condition de celui
qui attend de la générosité des autres pour survivre. Cette définition renvoi à
l’origine du mendiant à son activité et à son état physique ou psychologique.
Les mendiants considèrent la mendicité d’abord comme une situation
dégradante. Il la considère comme le « dernier recours pour sauver une vie ».
Encadré 4 : perception de la mendicité des enfants
«Je suis d’Abomey mais je vis à Cotonou depuis plus de trente ans
maintenant. J’ai étudié jusqu’en classe de CE2. Je me suis mariée à un
menuisier. Je faisais le commerce et lui son travail marchait. A la mort de
mon mari, j’ai été obligé de quitter la maison qu’il avait construite à
Womey sur ordre de la belle famille. Je suis retournée chez mes parents qui
n’avaient pas suffisamment de moyens pour me supporte avec mes quatre
enfants. J’ai commencé le commerce de charbons de bois. Avec le temps,
les enfants grandissaient et je ne pouvais plus seule m’en occuper. Le plus
grand était au CM1 a dû laisser l’école suivi de sa soeur du CE1 pour
m’aider. Je ne pouvais pas aller chercher la marchandise moi-même je
confiais à des secours des amies qui me grugèrent jusqu’à ce que je fasse
des pertes et le commerce est tombé en faillite. Je suis allée ma soeur à
Hêvié pour m’installer dans une cabane qui lui servait de boutique avec es
enfants. Alors ma soeur m’a proposé de venir avec elle à Tokpa pour
demander de l’aide. Au début c’était pour reconstituer mon capital mais le
temps passait et je ne pouvais plus arrêté. […]. Bien sûr au départ j’étais
gêné, j’avais peur que quelqu’un me reconnaisse, j’avais honte. Mais voir
mes enfants souffrir m’a donné le courage d’affronter les regards et même
des connaissances qui finissent par compatir et passent à la maison pour
donner cinq cent, mille francs aux enfants. […]. Ici à ‘’Tokpa’’ les gens
sont retissant à donner surtout comme je suis béninoise. Certains pensent
que c’est de l’escroquerie ou la paresse. […]. Je change souvent de place.
Je reste parfois à l’entrée du marché de Tokpa ou au marché Saint-Michel.

Cela fait maintenant six ans que je vis ainsi. […]. Le dernier enfant a
maintenant onze ans. Le premier a 20 ans. Il apprend la menuiserie. Il
fabrique des petits trucs qu’il vend mais c’est toujours dur à la maison. Je
viens ici avec le petit à 10 heures et nous rentrons à dix-sept heures à la
maison. Je ne viens pas tous les jours et tout moment. La saison des pluies
je fais un peu le champ. Mon grand fils m’aide, comme moi je ne peux pas
cultiver je fais un peu de commerce. C’est vrai, je pense qu’un enfant ne
doit pas souffrir comme c’est le cas de mes enfants, mais je n’ai pas le
choix.il vaut mieux qu’un enfant mendie que de voler, le vol est pire, on
peut le tuer. […]. (Gisèle, 42 ans, femme, handicapée-moteur ; mendiante
au marché international de Dantokpa, juin 2017).
La mendicité est présentée par les personnes impliquées comme une nécessité
de survie ; mais celle des enfants est aussi incomprise et désapprouvée par les
parents ou proches des enfants, bien qu’ils tentent de le justifier. L’enquête de
terrain a permis d’identifier différentes perceptions de la mendicité en rapport
la sécurité et la protection de l’enfant. Au niveau des acteurs de la protection
de l’enfant, les textes sont mis en avant :
Encadré 5 : perception de la mendicité des enfants
« Même si les textes n’avaient pas cité la mendicité comme un phénomène
qui met en danger la vie et la sécurité de l’enfant, il n’est pas bienséant de
laisser trainer les enfants dans la rue ! Cela n’honore pas notre société.
[…]. En se référant aux textes de loi nationaux et internationaux, la
mendicité des enfants est un acte répréhensible, car les géniteurs que nous
sommes, avons le devoir de protéger les enfants et de les nourrir. Le travail
de l’enfant dans la famille, c’était juste un appui par le plaisir de
l’apprentissage. La mendicité fait de l’enfant celui qui non seulement doit
se prendre en charge mais aussi le gagne-pain de la famille. Les parents
pensent que gens peuvent avoir de la pitié pour les enfants et donner plus
facilement. De ce fait, ils ne cherchent même pas à faire des démarches
pour leur prise en charge. Pur eux les enfants sont des ‘’gagne-pain’’. Cette
tendance est due à la situation socioéconomique difficile que traverse
certaines familles qui ont souvent beaucoup d’enfants à charges ».
(Responsable d’un Centre de Promotion Sociale, juillet 2016).

Pour les guides (surveillants) de mendiants et les parents, la mendicité des
enfants est une nécessité de survie :
Encadré 6 : perception de la mendicité des enfants
« Les gens sont moins généreux maintenant. La vie est dure pour tout le
monde. Même si les gens croient à la religion, ils n’ont pas assez pour
donner à tout moment. Pour avoir beaucoup de dons, je viens avec mes
enfants. Ils se répartissent sur différents endroits mais je fais attention
qu’ils ne soient pas loin de moi pour les surveiller. Je veille sur ces enfants
pour les défendre. […].Il y a beaucoup de voleurs d’enfants. la dernière
fois une soeur est venue de Maradi a confié ses enfants à un monsieur pour
qu’ils aillent demander l’aumône et il n’est plus revenu avec les deux
enfants. Cela fait un an maintenant. Personne ne sait ce qu’ils sont devenus.
Je les amène ici car ; c’est ici que nous vivons, derrière la banque.Les
enfants attirent vite l’attention des passants. Ils trouvent très souvent plus
d’argent que moi. Celle qui est avec moi, je l’aide parce qu’elle ne peut pas
se déplacer seule. Elle restait devant le marché là-bas et le jour de la prière,
comme l’étalage de mon frère est à côté, elle me demande de l’aider à
traverser la voie pour aller mendier devant la mosquée et profiter
l’aumône. […]. Sauf le jour de prière, c’est difficile de trouver beaucoup
de chose devant le marché. Maintenant je l’aide à rester dans les
carrefours. Parfois on a la chance. (Salif, 32 ans, garçon, guide de
mendiant handicapé-moteur et surveillants d’enfants, août 2017).
La mendicité est devenue complexe avec sa pratique par des mineurs. Les
guides de mendiants sont devenus presque des exploitants d’enfants. Ce sont
des jeunes enfants qui accompagnent et guident des adultes handicapés, pour
quémander dans les carrefours. Ces enfants s’approchent des véhicules en
marche, en arrêt aux carrefours des feux tricolores. Les enfants sans abris,
ayant fuis les familles à cause des difficultés, se retrouvent piégées par des
« trafiquants » qui leur dictent leur façon de vivre. Ils les envoient mendier et
leur fixent un montant à ramener le soir pour garantir leur sécurité. Il n’existe,
dans certains cas, aucun lien de parenté entre les guides de mendiant et la
personne handicapée. La personne handicapée sert d’appât pour attirer la pitié
et la générosité des passants. Au-delà de l’aide que ces guides de mendiants
peuvent constituer pour les handicapés, le handicap est devenu un objet
marchant qu’on expose au soleil et sous la pluie pour tirer le maximum de
bénéfice. Pour les responsables spirituels, la mendicité est le résultat de

l’existence des gens sans ressources et de la générosité que doit manifester un
croyant envers ces personnes. Fondamentalement : quel est l'avis religieux
concernant la mendicité ?


2.3. Perception de la mendicité par les religieux
Encadré 7 : perception de la mendicité des enfantspar les religieux
« La mendicité n'est pas autorisée sauf dans trois cas que le Prophète (Salla
Allah `Alaihi Wa Sallam) a détaillé dans le Hadith authentique rapporté
par Mouslim dans son Sahîh, d'après Qabîsa ibn Moukhâriq Al-Hilâlî Il
(Qu'Allah soit satisfait de lui), lorsqu'il dit (Salla Allah `Alaihi Wa Sallam):
Certes la mendicité n'est autorisée que pour trois types de personnes :
une personne s'étant chargée de verser une somme afin de mettre
fin à une querelle. La mendicité lui est alors autorisée jusqu'à ce
qu'il obtienne la somme désirée ;
une personne ayant subi une catastrophe qui détruisit ses biens.La
mendicité lui est alors autorisée jusqu'à ce qu'il puisse satisfaire
ses besoins primordiaux.
une personne victime d'une extrême pauvreté, dont peuvent
témoigner trois personnes raisonnables parmi ses proches.
La mendicité lui est alors autorisée jusqu'à ce qu'il puisse satisfaire ses
besoins primordiaux." "En dehors de ces cas-là, […], tout bien acquis par
mendicité est illicite, et son propriétaire en fait alors usage illicitement."
[…]. Celui qui est dans la nécessité, il n'y a pas de mal à ce qu'il demande
en fonction de ses besoins. »(Cheikh 'Abdel-'Azîz Ibn 'Abdi-llâh Ibn Bâz
(http://www.islamhadithsunna.com/la-mendicite-a117377136). Consulté,
le 26 août 2016.
La mendicité est bien cadrée par l’Islam. Mais les non-dits restent la mendicité
des enfants et leur présence dans la rue. S’il est précisé que seul le nécessiteux
est autorisé à mendier, ce n’est pas pour autant que les parents sont autorisés
à exploiter les enfants à cette fin. Les grandes victimes sont les enfants en
situation de manque de soins fondamentaux : moins de deux repas par jours.
Dans un milieu islamisé et attaché aux formes anciennes de solidarité, la
mendicité peut aussi avoir une signification sociale de l’aumône:

Encadré 8 : perception de la mendicité des enfantspar les religieux
« Nous ne pouvons pas interdire la mendicité. En ville, il est difficile de
savoir qui est nécessiteux et qui ne l’ai pas. Si des donateurs viennent, les
mendiants en profitent. L’aumône est un des piliers de l’Islam. Donc en
laissant aux mendiants la possibilité d’être à côté des fidèles dans les lieux
de prière, nous leur permettons aussi d’accomplir les recommandations du
Prophète (Salla Allah `Alaihi Wa Sallam). Le don des fidèles, favorise aussi
le rapprochement du donateur vers Dieu. En ce sens le mendiant remplit
une fonction sociale et spirituel pour les croyants, ce qui de fait légitime
son statut, quel que soit son âge. […]. Quant à la traite des enfants dans la
mendicité, ce n’est pas bien de maltraiter les enfants. Les cas que nous
connaissons ce sont des femmes qui ont eu des enfants dans leur parcours
et n’ont personne pour les garder. Ces enfants finissent aussi par mendier
une fois qu’ils ont grandi. […]. Ils n’ont pas appris à travailler.
(Responsable religieux, 42 ans, homme, Zongo, septembre 2017).
C’est par dizaines qu’on voit des enfants déambuler dans les carrefours aux
feux dans la ville de Cotonou, sans que cela inquiète les autorités communales
et même étatiques. Certains tentent de justifier cette mendicité, en s’appuyant
sur des logiques religieuses visant à éduquer les enfants. Mais la mendicité
sert-elle à éduquer ? Peut-être une firme d’éducation qui engendre des
handicapés sociaux : des enfants qui prennent le goût de la facilité et qui se
refusent tout effort de devenir indépendant à la majorité. En effet, ces enfants
dont certains sont déjà âgés de plus de 12 ans sont incapables de supporter la
moindre prestation pour subvenir à leur propre besoins. Ils ont durant leur
jeune âge accompagné leurs proches dans les rues pour mendier. Ils n’ont
aucune notion de ce que signifierait ‘’travailler pour gagner son pain’’.
Encadré 9 : perception de la mendicité des enfantspar les religieux
« La Bible nous appelle à aider les pauvres ; mais notre responsabilité
estd’aider ceux qui en ont vraiment besoin. La mendicité est un fléau. La
pauvreté ce n’est pas une raison pour être un mendiant. La Bible
recommande à tous de travailler pour vivre. Si la personne est handicapée,
sa famille doit la soutenir. Les chrétiens s’entraide c’est pour cela qu’il y
a mois des gens qui fassent la manche devant les Eglise » (un Responsable
religieux ; 65 ans, homme, septembre 2017).

De l’avis de plusieurs interlocuteurs, la mendicité est reliée à un manque de
ressources financières pour satisfaire les principaux besoins de base. Elle est
liée à la pauvreté qui est le manque d’argent pour réaliser leurs besoins
personnels et ceux de leur famille. D’autres lient la mendicité à la paresse des
personnes physiquement et mentalement bien portant et au manque
d’initiatives des autorités pour en finir avec le déséquilibre économique au
sein des populations. Ce sont des personnes vulnérables. La vulnérabilité étant
un manque de soins de base. Elle se manifeste par une incapacité à manger à
sa faim, ou à manger la nourriture de son choix, ou encore l’incapacité à
nourrir convenablement sa famille.
Encadré 10 : perception de la mendicité des enfants par les adultes
comme une nécessité de leur survie
« les enfants mendient parce qu’ils n’ont pas le choix ! les parents sont
incapables de pourvoir à leurs besoins. Aujourd’hui chacun ne pense qu’à
ses propres enfants et la grande famille, on ne compte plus dessus. Moi, je
suis obligée d’amener mes enfants ici ; au moins je peux les surveiller. Le
plus grand m’aide à me déplacer et les autres demandent l’aumône aussi
aux passants. Quand ils sont malades, je peux au moins les soigner et ils
mangent tous les jours grâce à ça. Il ya eu des jours où j’étais malade ils
sont restés sans mangés, c’est depuis ce temps j’ai dit qu’il vaut mieux
qu’ils viennent avec moi ici. (Halima, 47 ans, femme, handicapée-moteur ;
mendiante à Dantokpa, septembre 2017).
Pour certain le fait de ne pas pouvoir mettre ses enfants à l’école est un signe
de pauvreté. Au fur et à mesure que les enfants grandissent les charges
augmentent et accentuent les difficultés. Cette situation donne du stress à la
personne responsable des enfants au point où il peut quitter la maison et partir
soit avec les enfants ou seule. Une mère d’enfants mendiants témoigne :
Encadré 11 : perception de la mendicité des enfants par les adultes
comme une nécessité de leur survie
« j’ai quitté ma famille qui est à Parakou, parce que je ne pouvais plus
supporter la souffrance. Je suis partie en aventure car je ne connaissais
personne ici (à Cotonou). J’ai suivi un transporteur de gros camion. Dès
mon arrivée, je dormais ici (le parvis de la mosquée). Je lavais les habits

pour les gens dans les maisons pour s’occuper de mon enfant. Maintenant,
je viens ici tous les vendredis et les jours de fête pour que les enfants
profitent des ‘’dons’’. Ça nous permet de profiter pour quelques jours des
repas que nous recevons ici. J’ai six enfants, mais un est décédé, (le
troisième). Les deux premiers qui sont des garçons vont à l’école. L’un est
au collège en 6ème et l’autre au CE2. […]. Prendre de l’aumône ça m’aide
beaucoup. Je suis seule à m’occuper des enfants. Le père des premiers est
à Parakou et il ne sait pas où sont les enfants depuis que je suis ici. Les
autres, je l’ai ai eu ici.[…]. Je vis seule avec mes enfants. Les plus grands
m’aident à s’occuper des petits quand je vais laver les habits dans la
journée.
Ces mères se déguisent en prostituée les soirs. Elles acceptent de ne pas se
protéger avec des préservatifs pour gagner plus d’argent. Quand elles
contractent des grossesses, elles doivent les assumer seules. De même, les
enfants nés dans ces conditions, notamment les filles finissent par devenir des
« travailleuses de sexes ».Le phénomène est assez perceptible à Zongo, à
Gbegamey et à Jonquet. Elles sont exposées aux maladies sexuellement
transmissibles y compris le VIH/SIDA. Les filles mineures de plus en plus
présentes dans les réseaux de prostitution. A leurs dires, pour la plupart, ce
sont des jeunes de nationalité béninoise, et ne sont pas détentrices de pièces
d’identité. Mais on y trouve d’autres nationalités notamment des togolaises,
des nigérianes. Les mineurs sont souvent sous la tutelle de personnes plus
âgées qu’elles et présentées comme leurs parents. Mais, au bout des échanges
on peut se rendre compte qu’il n’existe pas de lien de parenté entre eux. Les
quelques cas où le guide est un parent au mendiant, la famille est installée à
Cotonou et les deux rentrent à la maison le soir. Le guide n’est souvent pas le
même. Les petits enfants ou proches se relayent.
Encadré 11 : perception de la mendicité des enfants par les adultes
comme une nécessité de leur survie
« j’étais avec ma tante. Je travaillais dans sa boutique et elle ne me payait
pas. J’ai rencontré un militaire qui a promis me marier. Il achetait tout en
rentrant souvent les weekends et quand les provisions finissent, je dois
attendre qu’il soit là pour sortir ; sinon, il me battait, même quand je sortais
pour aller au marché. Sa cousine était dans la concession et lui racontait
au téléphone quand je sortais de la maison. J’en avais assez, je suis partie.

J’ai rencontré une copine qui m’a hébergé. Dans la journée je vends des
fruits au bord de la voie. Ces là que parfois je rencontre des hommes qui
me proposent de rendez-vous le soir ou un autre jour. Quand ce n’est pas
le cas,avec ma copine on sort les soirs pour avoir de quoi satisfaire nos
besoins. Ils me proposent parfois de coucher avec eux sans préservatif en
doublant le prix. Quand c’est des clients que je connais, j’accepte. Je suis
tombée enceinte d’un client que j’aimais beaucoup ; mais depuis il n’a plus
voulu de moi. Cela fait deux ans maintenant ». Je faisais croire à mes
parents que j’étais en apprentissage. Je leur envoyais de l’argent de temps
à autre […]. Je viens ici les vendredis pour la bénédiction et le « sadaka »
(aumône).
(baekissa, 21 ans, fille, mendiante occasionnelle).
Les travailleuses de sexe sont souvent des anciennes filles en situation difficile
placées ayant quitté des tuteurs pour se retrouver à la rue ou des enfants de
mendiant handicapés devenues majeurs. Elles se font passer pour des
vendeuses ambulantes mais c’est l’occasion pour elle de faire des rencontres
avec des hommes. Pour ces filles, il est difficile de vivre autrement. Chaque
jour est un défi pour accéder à une vie saine. Réussir à survivre pose aussi de
nombreux défis surtout aux enfants qui vivent dans un environnement
insalubre. Elles voient leur santé se dégrader sans pouvoir se prendre en
charge. Elles assument seules les grossesses contractées et les enfants sans
père.
Pour certaines, devant cette grave et embarrassante situation de grossesse, il
n’y a que trois possibilités : Accepter son sort, se faire avorter dès les premiers
signes, ou tout simplement éliminer cet indésirable, après sa naissance et s’en
débarrasser dans une décharge publique ! Une mauvaise conduite réprouvée.
Pour les enfants nés dans ces conditions, sans soutien de la part des grands
parents ou proches de la fille-mère, trainant dans les rue à longueur de journée,
ils n’ont appris à rien faire et devient des « handicapés » sans infirmités. Ils
sont incapables de s’intégrer et de travailler pour survivre. La mendicité et la
prostitution s’offre à eux comme une évidence. Les filles-mères sont obligées
d’exposer aux passants des petits enfants, parfois des nourrissons pour
mendier. En voyant cette malheureuse scène, on se pose souvent la question
sur la légitimité de ces enfants et les raisons de cette « misérable aventure ».

2.4. Perception de la mendicité par les enfants
Les enfants lient la mendicité à la pauvreté pour la définir comme un ensemble
de représentations et de pratiques. En effet, pour eux de façon générale, c’est
le fait de demander de l’aide aux autres pour subvenir à ses besoins. Ce qui
est la conséquence de l’incapacité à satisfaire certains besoins fondamentaux
(l’incapacité d’accéder aux soins de qualité en cas de maladie, le déficit d’une
alimentation de bonne qualité, santé, éducation), dû à la pauvreté. Les enfants
perçoivent la mendicité comme une épreuve, une fatalité. Ils pensent que le
manque de moyens de leurs parents ou tuteurs, pour satisfaire à leur besoin ne
leur permet pas de vivre normalement et les exposent à toutes sortes de
problèmes (maladies, sous-alimentation ou mauvaise alimentation et même la
mort.
Encadré 12 : perception de la mendicité des enfants par les enfants
comme manque de moyens pour se soigner et se nourrir
« C’est le manque de moyens des parents qui fait que les enfants vont
mendier. Les enfants eux-mêmes ne peuvent pas se prendre en charge
quand ils sont malades ; ils ne sont pas soignés parce qu’ils n’y a pas
d’argent pour aller à l’hôpital. Ce que les enfants trouvent dans la rue, ils
aident les parents avec ça. Il y a des enfants qui préfèrent aller au marché
pour travailler ; mais beaucoup les traitent comme des voleurs et ce n’est
pas facile de se faire accepter. On a peur tout le temps d’être battu. On
mange à peine deux fois dans la journée, on dort peu. Moi, je me réveillais
à 5h du matin à l’heure de la prière pour ranger les sacs de couchage avant
le lever du jour. Je vais très tôt sur la voie pour trouver ce que mes petits
frère vont manger le matin avant que ma mère ne vienne rester avec eux au
carrefour. Comme elle était aveugle, elle restait sur place avec mes petits
frères (jumeaux de 4ans). Je vais à un carrefour plus loin et je reviens les
voir de temps en temps. […]. Un jour une moto a failli cogner mon frère
qui voulait prendre la pièce que quelqu’un avait lancé. C’est pourquoi je
reste avec eux maintenant depuis la mort de notre mère. […]. Elle est
décédée à l’infirmerie (clinique) elle était malade et on n’avait pas
d’argent. J’ai amené le papier de médicament remis par le docteur à sa
soeur qui était au marché de Zongo mais elle n’avait pas aussi d’argent. A
l’hôpital, Si tu n’as pas d’argent, tu restes sans soins, et tu peux mourir

[…]. C’est le manque de moyens qui fait que les parents ne nous donnent
pas ce que nous voulons.
Les parents ne peuvent pas nous envoyer à l’école. La mendicité n’est pas
mauvaise ; elle permet d’avoir de l’argent et des vêtements pour vivre. Je
n’irai pas voler grâce à Dieu. Mais le travail des enfants n’est pas mauvais
si un enfant travaille pour aider ses parents. C’est mieux que de placer les
enfants pour prendre de l’argent, il y a des gens qui maltraitent les
enfants ». Si tu es mendiant, s’il plait à Dieu tu peux trouver des gens
généreux pour te donner quelque chose. Ici à Zongo, c’est souvent l’argent.
Des gens m’ont proposé de les suivre pour travailler à la maison mais j’ai
peur. Je préfère être ici. […]. Je ne sais pas si je peux quitter ici un jour.
Je ne sais rien faire. Quand j’essaye de travailler au marché, je tombe
toujours malade. Depuis que mes frères peuvent mendier seuls sans mon
aide, j’ai trouvé un grand frère qui m’a confié sa grand’mère aveugle ; elle
est aussi comme ma grand-mère ; je l’aide à aller au carrefour pour
demander l’aumône. On partage ce qu’on trouve. C’est parfois peu. Après
17h je vais aider les femmes du marché à ranger leur boutique pour avoir
quelque chose. (Mamoudou, 21 ans, garçon, mendiant à Zongo)
La mendicité des enfants est liée aux mauvaises conditions de vie des parents.
En effet, ce sont généralement des familles monoparentales où le parent
responsable de l’enfant n’arrive pas à subvenir aux besoins fondamentaux de
son enfant. Soit le parent porte un handicap quelconque ou encore un parent
invalide ou pauvre. Cette situation a de fortes probabilités de se reproduire
avec l’enfant qui a été tout le temps entraîné par son géniteur dans la
mendicité, ses peines et souffrances, au point où l’enfant reste marqué par les
états d’âme de son environnement social. Dans des situations difficiles,
l’enfant n’a d’autres réconforts que lui-même. Il persistera alors à demeurer
dans cette situation de mendicité étant donné que c’est ce qu’il a appris à faire.
Ainsi, la fragilité de l’enfant commence le plus souvent dès le plus jeune âge.
Il a plus de chance d’être éduqué à la précarité et de se voir ses perspectives
se réduire ou s’amenuiser au fil des temps si les conditions de vie de ses
parents ne s’amélioraient pas. En effet, dans la plupart des cas, les enfants
mendiants proviennent de familles pauvres. Du fait que l’enfant est par
définition « un être immature, en construction, un Homme en devenir »
(CDE), et la perception sociale autour de son importance comme étant la
relève de sa famille, font de lui un être vulnérable qui mérite d’être protégé.
1
L’enfant fait face à la mendicité comme la conséquence de l’incapacité des
parents à faire face à leur responsabilité. En conséquence, en grandissant, ceci
altère la relation entre parents et enfants. Les enfants deviennent ‘’rebelles’’
vis-à-vis des parents et deviennent autonomes de façon prématurée. En
conséquence, quand ils s’en vont, ils ne sont retenus par aucune affection qui
puisse les ramener vers les parents.
Encadré 13 : perception de la mendicité des enfants comme l’incapacité
des parents à faire face à leur responsabilité
« avoir de bons parents c’est une chance. Personne ne souhaite devenir
mendiant. Si j’avais de bons parents qui avaient des moyens pour
m’envoyer à l’école je serai heureux. Mais, ils ne savent même pas où je
suis maintenant. J’ai quitté ma maison et ma famille à 11ans pour suivre
mon oncle transporteur. Mes parents se disputaient tout le temps et j’ai
décidé de quitté la famille. (Brahim, 13 ans, garçon, mendiant à Zongo).
« Je viens ici les vendredi pour profiter de l’aumône. Je vis à Porto-Novo
avec ma mère et ma grande soeur. Un jour, une amie de ma mère est venue
lui dire qu’elle avait besoin de quelqu’un pour l’aider à vendre dans sa
boutique. Comme on n’a pas assez de moyens, ma mère a accepté que je
parte avec elle. J’avais 16 ans. Je n’avais pas le choix. A la frontière, elle
a dit que j’étais sa fille. Je ne savais pas où on m’amenait. Je faisais tout
ce qu’elle me demandait. Quand nous avons quitté la frontière, un
Monsieur est venu me remorquer sur moto. Il passait dans la brousse sur
des petits sentiers et j’avais peur parce que je ne savais pas où la dame qui
voyageait avec est passée. Le monsieur m’a amené dans une maison et il a
dit que je devais attendre que la dame arrive. Heureusement la dame est
vite arrivée, j’avais très peur et je ne pouvais que faire confiance qu’à elle
seule. Arrivée au Nigéria (Badagri), elle m’a confié à un monsieur et on
vendait ensemble dans la boutique. Après, le monsieur est parti et je
travaillais avec elle. Dans les mois qui ont suivi, quand elle sort et elle
revient, elle m’accusait régulièrement de voler ses marchandise et me
battait et ne me donnais pas à manger. Je n’en pouvais plus de la souffrance
et je suis partie. J’ai rencontré quelqu’un qui voulais m’aider. […]. J’ai
passé un an avec lui. Je n’aimais pas ce qu’il me proposait de faire. c’était
difficile et quand je suis tombé enceinte, ‘auteur ne pouvait pas assumer la
grossesse. J’ai dû mendier pour trouver de l’argent et revenir chez ma
mère. Elle est allée dans les bureaux de la microfinance pour tenter d’avoir

un prêt pour son commerce. Elle vend de « divers » avec ma grande soeur.
Je pense que ma famille va m’aider à élever mon enfant quand il naîtra.
Sinon, je vais encore me débrouiller pour le faire. Je n’ai pas appris à faire
quelque chose pour me suffire seule. Je souhaiterais apprendre un métier
si je trouvais les moyens. (Barkis, fille, 22 ans, enceinte et mendiante
occasionnelle à Zongo).
Encadré 14 : perception de la mendicité des enfants : la mendicité est
une nécessité de survie pour certains orphelins et enfants vulnérables
« Quand mon père est décédé, ma mère a quitté chez nous pour aller chez
ma grand-mère. Elle nous insultait chaque jour. Ma mère pleurait. Ça me
faisait mal mais je ne pouvais rien. J’aurais voulu aller à l’école pour
réussir et l’aider à s’en sortir mais on n’avait pas les moyens. Ma mère
était obligée de mendier et moi aussi. Au début, on disait que c’est les
musulmans seuls qui peuvent demander l’aumône devant la grande
mosquée. Je suis venue avec ma mère quand-même. Ça a marché. Après sa
soeur l’a convaincue d’aller vers le marché. C’est pour cela que je suis seul
ici. Le soir, je vais la trouver là-bas et nous rentons à Hêvié. (Sèdjro, 15
ans, garçon. Mendiant occasionnel à Zongo).
Lorsqu’un enfant perd l’un de ses parents, il se retrouve sans suivi ou livré à
lui-même. Il devient vulnérable et candidat susceptible de virer à la
délinquance ou à la prostitution. Cette situation fait naître des adulte précoces,
une autonomisation forcée afin d’assurer leur survie. L’autorité parentale
n’existe plus pour eux et le parent vivant n’a aucune emprise sur les enfants
dans ces cas.
Encadré 15 : perception de la mendicité des enfants : la mendicité
est un choix face à ‘’l’incapacité sociale acquise’’
« J’ai essayé d’arrêter mais chaque fois que je commence au marché,
je tombe malade ». (Mamoudou, 21 ans, garçon, mendiant à Zongo)
Certains enfants, à leur majorité au lieu de chercher du travail vont vers la
mendicité. A priori, ils le font par choix. Mais les contraintes sociales des
parents qui les ont obligées à mendier constitue une pesanteur contre laquelle
seule, ils n’arrivent pas à s’en tirer. Dans ce cas, la prise en charge n’est pas

seulement sociale, économique ou même financière mais beaucoup plus
psychologique. Ces enfants sont des physiques aptes mais socialement
handicapés.
2.5. Prise en charge des « handicapés sociaux »
De manière générale, les enfants ne connaissent pas leurs droits, ou du moins
ne savent pas qu’il existe en cadre formel de la protection de leurs droits. Ceux
qui en savent peu (ceux ayant fréquenté l’école) citent les plus élémentaires
mais fondamentaux à savoir : l’éducation, l’alimentation et la santé. Ce sont
également les moins respecté chez les handicapés sociaux. Au niveau national,
en partenariat avec le système des Nations Unies, la coordination du respect
des droits des enfants est assurée par l’UNICEF. Il est chargé de protéger les
enfants par la prise en compte de leur intérêt supérieur à travers la mise en
oeuvre de la Convention des Droits des Enfants et de la « Convention sur
l’Elimination des Discriminations à l’égard des femmes ». Quatre principes
résument les droits humains. Il s’agit de :
- l’universalité ; la CDE s’applique à tous les enfants ;
- l’indivisibilité (tous les droits sociaux, culturels, économiques, civils
et politiques sont indivisibles et interdépendants ; la programmation
opère des choix prioritaires en accordant une attention particulière aux
situations les plus urgentes et aux interventions stratégiques) ;
- la recevabilité ; les autorités étatiques sont les débiteurs des droits des
enfants ;
- la participation ; les enfants, détenteurs de droits doivent participer au
processus de réalisation de leurs droits et les débiteurs de leurs droits
doivent faire en sorte qu’ils soient rendus capables de les réclamer.
Ainsi, les institutions en charge de la protection de l’enfance devraient faire
des sensibilisations allant dans ce sens pour garantir l’apport des enfants dans
leur survie et leur développement. Comme l’on fait remarquer P. GILLIARD,
L. et Denon (1996 ; pp51-60), il existe plusieurs types de mendicités. On en
trouve à Cotonou, plusieurs types mais également plusieurs formes. Les types
de mendicité que l’on rencontre sont :
- une mendicité saisonnière. Ce type mendicité est pratiqué par des personnes
venues des milieux ruraux ou du Sahel pour se réfugier en ville pendant la
période de soudure. Ce mouvement de personnes très jeunes ressemble à de
l’exode rurale pendant la période sèche. Elle se présente sous deux formes :

1) des personnes (jeunes) généralement sans infirmités qui sollicitent
uniquement de l’argent aux passants ; 2) des jeunes entrent dans les quartiers
pour faire des petits travaux de maison moyennant quelques pièces ;
- une mendicité occasionnelle : ce sont des enfants mendiants devenus majeurs.
On distingue également deux formes. 1) du fait qu’ils n’ont aucun handicap
physiques, il est difficile pour ces jeunes mendiants d’obtenir facilement des
« dons » dans la rue. Alors, ils attendent les jours de prières comme les
vendredis pour se rendre sur l’esplanade des mosquées et les dimanches, à
l’entrée des églises pour recevoir les « sadaka » (aimône) des fidèles ; 2)
quand ils ont du mal à subvenir à leur besoins après avoir passé des années à
mendier aux côtés de leurs parents handicapés, ils n’ont pas appris à
travailler. Ils deviennent des guides permanents de mendiants handicapés. Ils
les accompagnent dans les rues, dans les carrefours aux feux tricolores pour
continuer sous une autre forme cette mendicité devenue leur métier. En cas de
décès du parent handicapé, commence les situations difficiles qui peuvent les
pousser fatalement à la délinquance ;
- la mendicité permanente : elle est liée à des difficultés consécutives à un
handicap, une situation de difficulté et d’incapacité d’une personne à travailler
pour survivre. En l’absence de toute solidarité des familles, la mendicité
devient la seule source de revenue, un métier à vie ;
- une mendicité liée à la religion et les mauvaises interprétations des textes
« sacrés » dans le contexte urbain. En effet, en ville, il est difficile de
distinguer les pauvres. Bien que les textes « sacrés » définissent les situations
où l’on peut recourir à la mendicité, les déviations récentes dans le contexte
urbain laissent à désirer. On rencontre des personnes qui se font passés pour
de « musulmans » ou des handicapés, juste pour bénéficier des faveurs des
fidèles.
« je viens ici les vendredi profiter de « sadaka ». […]. L’habit n’est rien,
c’est seulement pour se conformer aux autres, je ne fais pas la prière,
mais je suis croyante aussi ». Ma voisine est vendeuse ambulante et va
avec son enfant les autres jours; mais les vendredis comme je ne vais pas
chercher à laver les habits, elles me laissent venir avec son enfant qui a le
même âge que le mien (Rabiath, 32, femmes, mendiante occasionnelle à
Zongo).
Dans ces cas, les enfants sont utilisés comme des mirages pour attirer des
personnes sensibles aux âmes innocentes que sont les enfants. Ils sont habillés

de manières identiques pour donner l’impression que ce sont des jumeaux. La
mère est débraillée, les enfants aux pieds nus, comme si la misère était
finalement une source de richesse !
2.6. Discussion
La responsabilité de l’Etat est engagée quand des enfants qui doivent être à
l’école sont gardés sous le soleil et les fumées d’échappement des moteurs à
longueur de journée, par des parents bien portants qui ne sont pas inquiétés.
Ces enfants deviennent des handicapés sociaux une fois majeurs parce que
incapables de s’auto-prendre en charge autrement qu’en mendiants. Ils sont
les oubliés de la République qui prônent, la fraternité, la justice et le travail.
La situation des handicapés séquestrés à domicile et passée à la
commercialisation des handicaps des enfants. Certains qui étaient des victimes
désignées de la tradition à cause de leur handicap sont devenus des objets
d’enrichissement depuis leur bas âge. Le handicap est devenu une
« marchandise » qu’on expose pour attirer la pitié et la générosité des passants.
En grandissant ainsi, ces enfants deviennent incapables de s’insérer dans le
tissu social pour se prendre en charge, même étant bien portant sur les deux
plans physique et mental. La pauvreté due parfois à la mauvaise répartition
des ressources publiques sur les secteurs prioritaires tels que la protection de
la famille productrice de richesses, accentue la pauvreté et expose les plus
vulnérables : les enfants. L’incapacité des parents à faire face à leurs
responsabilités d’éduquer et de protéger les enfants font d’eux les premières
victimes de la mendicité. Un enfant vulnérable ne peut pas être en bonne santé
et s’occuper de ses parents quand ils seront vieux. Ce qui entraîne l’abandon
des personnes du troisième âge. Les privations vécues par les enfants sont
répercutées sur les personnes du troisième âge, abandonnées par leur
progéniture incapable de leur venir en aide. Pour des enfants handicapés, la
responsabilité des parents laissent place à des comportements dégradants pour
la personne handicapée qui est déshumanisée et exposée dans la rue. Les
enfants sont ainsi assujettis à la redistribution des rôles par les personnes plus
âgées et le plus souvent au profit de ces dernières. Les parents ou tuteurs
exploitent les enfants comme une main d’oeuvre servile et participent à la
recrudescence de la mendicité des enfants comme étant des stratégies
économiques de survie pour les familles pauvres vivant dans la Capitale
Cotonou.
Par ailleurs, l’inexistence des infrastructures dans les Communes pour la prise
en charges des personnes du troisième âge montre la démission de l’Etat dans
la prise en charges des vulnérables, ce qui les poussent à venir en ville
accompagnés de leurs enfants pour se livrer à la mendicité. En agissant ainsi,
ils privent ainsi les villages de leurs bras valides et remplissant la ville de
potentiels criminels.
A chaque changement de dirigeants au sommet de l’Etat, c’est une remise à
zéro des politiques mis en place. En 2016, le Budget-Programme du Ministère
de la famille pour les trois années 2016 – 2018 s’articulait autour de trois (03)
programmes à savoir :
programme I : Renforcement de la Protection Sociale et
promotion de la Solidarité Nationale ;
programme II : Appui à la Promotion de la Famille et du Genre ;
Ce programme est au point mort avec la prise en charge des handicapés et
personnes de troisièmes âges. Des statistiques sur des mendiants n’existent
pas alors qu’ils font partie des vulnérables que devrait prendre en charge
l’Etat. Les mendiants sont chassés des abords des rues comme des
« malpropres » en cas de manifestations officielles. La montée de la
délinquance doit interpeller les autorités. Des jeunes, apparemment normaux
capables d’égorger de sang-froid des personnes et souvent des enfants pour se
procurer des organes humains ne devaient laisser personnes indifférents ; car,
ces jeunes trainant derrière des mendiants handicapés sont des dangers
publics qui guettent les populations de Cotonou, et des victimes potentiels
d’individus indélicats. Plusieurs structures travaillent à la prise charge des
enfants, mais les handicapés sociaux sont généralement des « apatrides ». Ils
ne possèdent ni actes de naissance ni aucune pièce d’identité pouvant
permettre d’établir leur nationalité ni leur filiation. Pour espérer une prise en
compte de ces « handicapés sociaux », un mécanisme d’identification doit être
mis en place pour permettre à ces enfants errant dans les rues à la recherche
du gain facile, retrouve leur place dans la société qui leur doit aussi la
protection et l’éducation, droit fondamentaux pour la survie d’une nation. Les
responsables religieux doivent être associé pour mieux comprendre le
phénomène de la mendicité des enfants et pour la sensibilisation de ces
derniers sur les risques que constitue ‘’cette jeunesse’’ en déperdition.

Conclusion
« L'avenir de toute nation est influencé par les conditions de vie de ses enfants.
Assurer le bien-être des enfants requiert l’élaboration et la mise en oeuvre de
politiques fondées sur les Droits des enfants. Sur la question, la communauté
internationale a balisé le chemin à travers la tenue de conférences, le vote des
textes de loi, la formulation des recommandations sur le respect des droits des
enfants, etc. La ratification par le Bénin en 1990 de la Convention des Nations
Unies relative aux Droits de l’Enfant (Nations Unies, 1989) et en 1996 de la
Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (OUA, 1996) traduit un
engagement du pays à garantir aux enfants le droit à la survie, au
développement, à la protection, à la participation. Le code de l’enfant
(MJLDH, 2007) au Bénin s’en est largement inspiré. Déjà en 1989, la
Constitution du Bénin (République du Benin, 1990) prescrit en ses articles 8,
9, 12 et 15 la sacralité et l’inviolabilité de la personne humaine et le droit à la
vie, à la santé, à l’éducation, à la protection. Les articles 13 et 14 consacrent
en particulier l’obligation de l’enseignement primaire et la gratuité de
l’enseignement publique. Ces disposent sont en cohérence avec la CDE qui,
dans son préambule, rappelle que l’enfant a besoin d’une protection et de soins
spéciaux avant et après sa naissance » (UNICEF, 2012) et pourtant des
centaines d’enfants en sont privés dans la Capitale économique !
Au terme de la recherche, on note que la mendicité des enfants est liée à
l’incapacité des parents ou tuteurs de ceux-ci à assumer leurs responsabilités
de les protéger et éduquer à cause de la pauvreté. Cette mendicité est ressentie
comme une privation de leur droit d’être simplement des enfants. Ils se sentent
responsables d’eux-mêmes et se culpabilisent de ne pas pouvoir réussir mieux
que leurs parents. Cet état de chose, trouve ses fondements dans
l’environnement social de l’enfant et du niveau de vie de sa famille, traduisant
ainsi une reproduction sociale de la condition des parents. Les enfants
connaissent leurs droits mais ne les revendiquent pas. Si petits, ils se sentent
déjà responsables de leur sécurité et de leur succès ou échec. La recherche a
permis de constater que dans la pratique la responsabilité de l’enfant est de
trouver de quoi nourrir sa mère ou son père handicapé ou malade, soit tout au
moins d’y participer à part entière. Les filles qui semblaient épargnées par le
phénomène y sont très présentes. Elles prennent une part active à la mendicité
entre l’âge de 6 à 12 ans. Après cela, elles deviennent des travailleuses de sexe
déguisées dans la journée en vendeuses ambulantes de cure-dents, colas ou
des fruits. Elles organisent via cette activité des rendez-vous avec des
hommes, une autre source de revenus. Ainsi, parmi celles-ci on rencontre de

jeunes fille-mères dont les charges augmentent et aggravent la vulnérabilité
de toute la famille. Dans le cas où les filles ne tombent pas enceintes dans le
« métier de travailleuse de sexe », elles sont précocement données en mariage
comme garantie d’une source de revenus.
Les facteurs explicatifs de ces situations sont :
 les croyances : elles encouragent la mendicité, en faisant de la pratique
de l’aumône un geste qui participe au salut de l’âme ;
 l’instabilité de ressources financières au sein des familles ;
 les circonstances naturelles liées aux aléas climatiques qui
occasionnent les baisses de production agricoles et l’exode rural ;
 l’insuffisance des investissements dans la prise en charge des enfants
orphelins et vulnérables
 la non prise en charges des handicapés « apatrides » et des personnes
du troisième âge ;
 la non prise en charge de la misère et de la pauvreté extrême.
La crise des valeurs familiales avec la multiplication des familles
monoparentales fragilise le tissu social et la solidarité. Les problèmes
familiaux tels que la polygamie, le décès d’un parent, le divorce, de plus
en plus manifeste sont des sources de vulnérabilité qui conduisent les
enfants à la mendicité, la violence, la prostitution, le vol… Néanmoins, il
faut constater que la mendicité est moins encouragée dans les milieux
chrétiens comparativement aux milieux à dominance islamique. Ce qui
explique le fait que même les nécessiteux parmi les chrétiens viennent
profiter de la générosité des fidèles musulmans qui pour eux ne font
qu’accomplir la volonté divine. Mais, si chaque communauté se donnait
les moyens d’accepter et de s’occuper de ses vulnérables, les enfants
victimes de discrimination et de privations de plusieurs ordres auraient
tendance à diminuer. Sans le secours de l’Etat par ailleurs, l’enfant est
utilisé comme un ‘’instrument dans les stratégies de survie de sa famille.
Il est obligé de supporter la charge des parents au lieu que ce soit ses
derniers qui le fassent pour lui. Il est utilisé comme source de revenu,
maltraité. Les enfants mendiants sont vulnérables en raison de la faible
capacité de leurs parents à mobiliser les ressources nécessaires à la prise
en charge de leurs besoins. Pour qu’un changement soit durable dans la
protection de l’enfant, il faudra que les actions entreprises dans ce domaine
prennent en compte les dynamiques communautaires ou religieuses qui
sont proches des familles et des enfants fragiles.


Références bibliographiques
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